Le nouveau décret inscription, étrennes 2010, enfin un cadeau pour les familles et les écoles ?

L’emballage du cadeau est multicolore et semble séduisant. C’est à la veille de Noël que
les derniers rubans de couleur, ont scellé le paquet avant son envoi au Conseil d’Etat.
Avant d’examiner si ce dernier essai de décret, probable « bon compromis politique »,
apporte une plus-value pour les familles et équipes enseignantes par rapport à la situation
antérieure prenons le temps d’ouvrir le paquet et d’en découvrir progressivement son
contenu.
Passons sur les priorités, qui relèvent du bon sens, telles que la fratrie (qui peut aussi être
un piège si l’école de l’ainé ne sied pas au cadet), les élèves internes, les enfants à besoins
spécifiques. Notons en passant le privilège de la priorité accordée aux enfants dont l’un des
parents travaille dans l’établissement ! N’épiloguons pas concernant la priorité adossement.
Créé ex nihilo pour les besoins du législateur, ce concept nie l’histoire plurielle de nos
écoles et les liens tissés entre elles. Depuis sa création pour les besoins du premier décret
Arena, l’adossement fait l’objet d’affrontements entre ses partisans et ses opposants
illustrant parfaitement l’intérêt d’appliquer la politique du « diviser pour régner… »
Après les priorités s’ajoutent ensuite pour chaque enfant des critères « transparents » aux
pondérations décroissantes et dont la complexe multiplication entre eux sont destinés à
départager objectivement les enfants entre eux, en cas de demandes d’inscriptions trop
nombreuses dans une école.
Les premiers critères sont des rubans oranges : l’un est un critère nommé partenariats
pédagogiques qui, s’ils répondent à de nombreuses conditions, offrent une pondération
assez neutre.
Le second ruban orange est la possibilité laissée à la CIRI (commission inter-réseaux des
inscriptions) d’autoriser une école à augmenter d’une unité par classe le nombre d’élèves
en cas de « force majeure ».
Le carton d’emballage est vert intense et imprègne fortement le contenu du paquet :
c’est le critère géographique.
Il se décline sous trois modalités :
• La proximité école primaire, domicile de l’enfant au moment de son inscription.
• La proximité de l’école secondaire du réseau par rapport au domicile de l’enfant.
Ces deux premiers critères de départage apportent la cote pondérée maximale de manière
indélébile.
• Le troisième critère géographique est la proximité de l’école primaire de l’enfant par
rapport à l’école secondaire choisie qui offre une cote substantielle.
Le carton rouge, la mixité sociale, est le coeur du décret de cette nouvelle année. Ainsi,
tout enfant inscrit en primaire dans un établissement reconnu par l’administration comme
scolarisant 40% des moins favorisés, reçoit une priorité pour occuper 20 % des places de
chaque école. S’y ajoute 20% de places mises à la disposition de la CIRI initiant ainsi le
processus de centralisation des inscriptions transformant une démarche entre responsables
d’un enfant/élève en un acte strictement administratif.
Un carton noir s’est glissé dans le projet de décret à l’insu de ses créateurs c’est le risque
accru de création de nouvelles écoles privées. Effet inverse de l’objectif de mixité sociale
proclamé et éloignant d’autant l’indispensable nécessité de « faire école ensemble ».
Après ce bref déballage du projet coloré de ce décret, tentons d’en inventorier les
avantages et inconvénients nous référant à la situation initiale d’il y a trois ans… avant tout
décret autre que le décret Missions.
Nous pouvons souligner les points positifs :
• Des critères d’évaluation du dispositif décrété sont enfin prévus !
• Parce qu’ils sont un des facteurs augmentant le taux de réussite, nous ne pouvons
qu’ applaudir le choix du critère incitant à la création de partenariats pédagogiques
entre écoles primaires et secondaires.
• La création prévue de deux nouvelles écoles, une en région Bruxelloise et une en
Brabant Wallon à une date indéterminé. Espérons, en ce début d’année, que cet
effet d’annonce n’éloigne pas des objectifs indispensables à atteindre des écoles
diverses et toutes de qualités permanent à chaque enfant quel qu’il soit d’obtenir
un CESS en 12 ans de scolarité obligatoire coachés par des équipes enseignantes
compétentes, soudées et partenaires des familles.
Nous pouvons souligner des points qui interpellent :
• L’absence d’incitants destinés à solidariser les équipes éducatives afin d’accueillir,
intégrer et accompagner vers la réussite du premier de degré des élèves de profils
différents.
• Après deux échecs retentissants, l’implémentation sur tout le territoire de la
Communauté française d’un système expérimental dont une troisième génération
d’enfants servira d’épreuve test. L’absence d’études d’impact des effets conjugués
des critères prépondérants géographiques et mixité sociale sur les choix parentaux
ainsi que sur le travail des équipes éducatives. Il est à craindre une ghettoïsation
des écoles d’une part et des bouleversements des publics pour certaines d’autre
part.
• Le choix du critère de définition de la mixité sociale, sésame par excellence. Celuici
est basé sur le fait d’ « être issu d’une école reconnue par l’administration de la
communauté française comme faisant partie des 40% écoles moins favorisées » et
non sur les caractéristiques individuelles de chaque enfant.
• L’absence de critère géographique proximité du lieu de travail.
Par ailleurs si :
• Ce décret ne modifie en rien le processus d’inscription pour les 90% des écoles de
la Communauté française qui ont une offre satisfaisant la demande des familles.
• Ce décret, uniquement technique « inscriptions » n’apporte aucune piste
d’amélioration concrète des résultats obtenus lors des épreuves internationales. Il
pourrait, a contrario, avoir l’effet inverse pour les écoles et les enfants cibles.
Pour les autres écoles :
• Le choix parental sur base de l’adéquation entre la personnalité de son enfant et le
projet pédagogique d’un établissement devient illusion vu la prépondérance des
critères géographiques. Ghettos après lotto? Carte scolaire version améliorée
Communauté française ?
• La démarche d’inscription dans l’école de son premier choix pourrait dans nombre
de situations s’apparenter à un miroir aux alouettes vu la méthode de départage
utilisée privilégiént non pas les critères de choix des parents mais bien des critères
choisis par le législateur.
• Le législateur refuse sa confiance aux directions d’écoles, confiance que par ailleurs
les parents leur accordent largement. (1)
• Aucune possibilité de s’adapter aux spécificités locales n’est prévue.
• Le système de départage dans les écoles devient une boîte noire gérée par
quelques technocrates.
• Le processus de centralisation initie-t-il le début de l’uniformisation de nos écoles ?
• L’égalité de traitement, invoquée pour justifier ces décrets, est en réalité une autre
illusion. Quelle est l’égalité de traitement entre les enfants de Bastogne et ceux de
Berchem Saint Agathe ?
Détaillons ce point pour les enfants souhaitant fréquenter les écoles francophones de la
Région de Bruxelles. A noter que seuls des ministres wallons ont été associées à
l’élaboration de ce nouvel essai alors que ses effets touchent de plein fouet la région
bruxelloise dont la spécificité en matière d’enseignement est notoire (les passages d’élèves
entre écoles néerlandophones, européennes, internationales et privées sont fréquents)
Les enfants souhaitant fréquenter les écoles francophones de la Région de Bruxelles sont à
nouveau discriminés pour plusieurs raisons :
• La spécificité déjà évoquée de la carte scolaire bruxelloise.
• Le décret flamand avec un critère privilégiant les « native speakers flamands ».
• Ils sont victimes de l’actuel manque de place dans les écoles bruxelloises
francophones souhaitées par les parents.
• L’augmentation de la natalité estimée à 20% pour les 15 prochaines années.
• La combinaison des critères géographiques avec pondération maximale et de la
priorité absolue « écoles d’origine moins favorisées » qui gommera les critères de
choix de nombreux parents en quête d’un projet pédagogique adapté à leur enfant
et répondant à leurs attentes et organisation quotidienne.
• La très faible pondération du critère immersion qui est en totale contradiction avec
la réalité bruxelloise du marché de l’emploi.
Comment formuler d’autres voeux pour la prochaine décennie que le retour aux valeurs
fondatrices et à transmettre de l’acte d’enseignement :  » la confiance accordée à l’humanité
de l’homme : parent, direction, enseignant, élève, personnel PMS, et les nombreux autres
partenaires des écoles  »
Cette confiance leur permettra d’exercer chacun à leur place et en partenariat la
responsabilité qui est leur.
A force de tout vouloir réglementer, le législateur en oublie que chaque enfant est
spécifique et qu’il est important que les familles puissent choisir l’école qui leur convienne
sans être entravées par des mesures qui compliquent la vie et ne résolvent en rien les
problèmes de manque de place dans des écoles de qualité. Au lieu de s’attaquer aux
inscriptions que le législateur mette en place les mesures qui permettent d’avoir des écoles
différentes mais toutes de qualité.
Anne François, psychopédagogue
(1) Enquête vivacité 2005, enquête Strategic Creative Consult 2009

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